LE SQUELETTE LABOUREUR

L’astre a fini de s’habiller, ajuter le col de l’immonde polo – frissons, toujours, quand ses doigts frôlent la chose -, passer une main dans les mèches d’or à qui la magie a rendu leur naturel soyeux. Ça fait naître un grand sourire sur les lèvres, si heureux de s’être retrouvé, sorti de son petit enfer vitré. Il ne manquerait plus que de se voir de nouveau et tout serait presque parfait. Sûr que Neruda n’avait pas non plus de lunettes de soleil dans ses affaires. Mais peut-être, peut-être que Sherry, lui.. S’il s’est maquillé sur la route, peut-être bien. Regard las vers Loe qui pleure sur le cadavre, il s’en détourne vite, revient vers l’anglais qui commence à parler avant qu’il ait le temps de demander s’il a un miroir. Meryt. Ah, Meryt. Poings se serrent, il lui en veut un peu pour les moments qu’elle a gâché mais sa mort il n’en voulait pas. Il aurait du l’empêcher, sûrement. Il en avait quelque moyen, même, il le savait. Soupir. « Elle me manque aussi, Rich’. Mais elle est partie. Partie, assassinée, choisissez. Elle est.. L’azur se tourne là où se tenait la Fantoinette il y a peu, revient vers le mort vivant. Mais toi aussi. Tu n’as jamais essayé de lui parler ? » S’ils parlent aux fantômes, si certains invoquent les esprits, pourquoi Sherry ne pourrait-il pas la contacter.

Il y a un cri qui surprend, Tango qui s’agite, qui tempête comme si on l’écorchait vive avec l’orage et la pluie qui accompagnent. Le garçon secoue sa tête, agacé, qu’a-t-elle maintenant, il a un doute évidemment même s’il ne saisit pas toutes les mécaniques que ça impliquerait. Mais pourquoi là alors que tout allait si bien. Il se dirige rapidement vers la belle, baguette s’agite déjà au bout des doigts, dans son état même la plus douce des étreintes ne saurait l’apaiser. Alors il s’accroupit à ses côtés, chuchote quelques mots qui se veulent rassurants et surtout une locution latine qu’un léger éclat accompagne au bout du bois. Éclair qui se meurt aussi vite, rien, c'est terrible de ridicule, arracher une vie c'est sans souci mais pas en réparer. Alors les doigts de la dextre viennent trouver les cheveux corbeau, caresser avec tendresse avant qu'il ne murmure un autre sortilège, toujours parfaitement calme pour cette fois ôter la conscience de la belle. L'envoyer au pays des rêves pour de longues minutes, qu'elle revienne avec un peu plus d'esprit.

Lancer de dés:

Aussi vite qu’il s’est détourné du corps sans vie, l’astre s’éloigne de celui qui n’a plus d’intérêt. Et il fait bien car Richie vient l’attraper, insiste pour qu’une fois il écoute. Alors l’azur vient trouver l’émeraude, il ne manque pas un mot, opine simplement. Mâchoire se contracte un peu, deux marques terribles qu’il doit au latino, il aura sa peau. Il ne répond pas, lèvres pincées, se contente d’acquiescer.

Puis il vient ramasser la chaise jetée au sol, et l’éclat de verre le plus large qu’il puisse trouver. Il s’assied calmement, un mouvement de baguette et voilà la surface devenue lisse et réfléchissante. Qu’il lève devant son visage, sourire lumière s’étire, il se contemple sous tous les angles, enfin, petit soupir de contentement. Ça lui avait manqué, il s’était manqué même. Main qui vient ébouriffer les cheveux, replacer les mèches d’or au mieux.

D’une oreille il entend la proposition de l’ami, lève un pouce en réponse, trop occupé à s’admirer. Il n’y a pas de visage plus parfait, de traits qu’il aime mieux contempler. Durmstrang, jupiter même ne tiennent pas la comparaison. Jupiter. Il faut le retrouver, et sûr que Meryt serait une aide non négligeable pour y arriver. Bref regard quand Richard sort le miroir et déblatère, sourcils se haussent, jugement évident sur les traits. Un brin méprisants. État de crise, pas le temps pour s’épancher, les je t’aime et autres conneries ça attendra. Pas le temps, pas l’occasion pour lui.

Minutes passent. Il ne les voit pas, trop absorbé par son reflet. Et Sherryt s’anime alors il baisse le miroir, esquisse un sourire. « Meryt » qu’il la salue joyeusement, se redresse vivement pour retrouver la belle endormie, baguette virevolte une nouvelle fois pour la réveiller. On est pressés.

Aurore s’agite et il soupire longuement, déchirement violent à l’intérieur mais pas le temps de s’y engouffrer. Crise, crise, crise, ils ont tué Neruda et la riposte suivra. Comme ils ont répliqué à l’enfermement de la Casanova. Baguette se lève, désolé Loe.

Graciée par la revenante qui a rejoint l’étoile, abat un poing violent contre sa mâchoire. Il grogne un coup, tiquerait bien sauf qu’il ne peut pas. Il n’en a même pas le droit alors il marmonne juste. « Je suis désolé.. » Pas la peine de nier qu’il le savait. Et sourire revient, Meryt veut en découdre autant que lui ça n’a rien d’étonnant. Alors il prend la chemise avec un haussement de sourcils, bref reducto informulé, il glisse le morceau de tissu dans sa poche et revient vers la sud américaine. Soupir, encore. « Loe, on n’a pas le temps il faut y aller.. » Mais elle ne répond pas, pas comme il faudrait du moins. Alors le garçon grogne d’autres excuses et la baguette de Neruda gigote. « Impero. » La belle les suivra sans rechigner maintenant.

Miroir rejoint le vêtement dans la poche et il s’élance vers la porte, la descelle d’un sort informulé et s’engouffre au dehors, Sherryt et Tango sur ses talons. Rapide regard dans le couloir, personne, soulagement le prend. D’autres pas, l’azur capte un éclat qui n’a rien à faire dans les roches en désordre, qu’il ramasse pour le fourrer dans sa poche, il y reviendra plus tard. Et avisant l’escalier il s’arrête, laissant la nouvelle meneuse prendre les devants.

Lancer de dés:

Branchouille de Neruda toujours pointée sur aurore au regard voilé, l’astre avance silencieux, sourire flotte toujours sur les lèvres, sûrement stupide, sûrement déplacée la confiance qu’il place en la silhouette devant lui. Pourtant il progresse sans trop d’inquiétude, la sud américaine à ses côtés, le britannique ouvre la marche, silencieux pour une fois, concentré. Il faut traverser le bâtiment s’ils veulent retrouver la liberté, mais rien que ne plus voir les voûtes de pierre sombre au-dessus de lui soulage le poids sur les épaules. Et s’ils croisent quelqu’un, eh bien. Ils devraient avoir des excuses toutes trouvées, des noms à agiter pour se protéger. Des âmes qu’il faut bien retrouver.

À cette idée une main vient ajuster une nouvelle fois le col du polo beige, grimace affaisse les lippes, il est aussi dégoûté par le vêtement que les marques qui barrent sa joue, maintenant sa gorge aussi. Gêne à l’idée qu’il le retrouve avec une telle allure, au moins le sang a disparu, au moins le pantalon marron est assorti, la superbe retrouvée malgré les yeux rouges et fatigués. Les doigts glissent ensuite dans la poche caressent le miroir improvisé, hésitent à le sortir de nouveau. Il s’arrête.

Parce que les doigts ont senti une autre surface qu’il vient pourtant d’y placer. « Attends, Meryt ! J’ai trouvé ça, c’est peut-être Neruda qui l’a laissé tomber. » Aucune émotion dans la voix pour évoquer l’ex enseignante, elle est déjà oubliée. Et planté au milieu du couloir le gamin sort le paplier qu’il déplie, sourcils froncés un peu perplexe. L’Astronef s’étale sous les yeux, tout en lignes et courbes, myriade de petits points qui s’agitent. Il en remarque plusieurs pas si loin, Read – sourire, de nouveau -, Minsk, un Vidame qu’il n’a jamais rencontré. Et glisse un peu plus loin, Che Guevara, Cha Cha Cha, Belgrade, il continue de couler, les paupières se plissent sous la concentration. On s’éloigne des bâtiments, on s’enfonce dans la forêt, et enfin. Six lettres qui font naître soleil, l’azur rayonne et s’adoucit, ne se détache plus de la capitale. Saine et sauve, loin des combats. Il n’aurait même pas osé en espérer tant. Prince reste bloqué sur la carte, incapable de s’en défaire, avec la lumière qui irradie presque, les yeux qui commencent déjà à tracer un chemin pour le retrouver.[/hide]