LE SQUELETTE LABOUREUR

Elle aurait pu mourir avec des lunettes de soleil. Un miroir, même un morceau de verre dans la main s’il le faut. Mais non, rien, les fantômes ne font pas de reflet. On peut leur parler, les traverser mais pas se regarder dedans. L’astre il a essayé, planté devant la silhouette vacillante, il a testé tous les angles pour apercevoir un éclat d’or, une touche du ciel dont il est privé. Soleil presque oublié. Trop longtemps qu’il traîne dans les sous-sols sans plus parler à personne, depuis que la Casanova a passé une nuit et s’en est allée laissant un silence pesant. Du moins personne de vivant. Française s’est invitée depuis un moment, drôle de conversation entre les deux figures, ou plutôt monologues de l’étoile, la reine ne fait surtout que le toiser d’un air las.

Ils ne parlent pas de ce qui l’a tuée, non plus des prisonniers qui se sont envolés, non l’ancien prince ne parle que de son sujet préféré : lui. Étendu dans un coin de la cage de verre avec sa chemise qui n’en a plus que le nom, rigide de carmin, largement ouverte laissant voir la ligne qui traverse la gorge, chevelure en désordre retombant sur son front trop courte pour masquer la cicatrice sur sa joue. Du sang sur le visage, sur les bras, dans le cou, il en a partout, n’a pas trouvé le courage de s’en débarrasser. « Mais même comme ça, c’est toujours moi le plus beau ici, n’est ce pas ? » qu’il demande, supplie presque, les doigts frôlent le sol et l’azur inquiet coule vers l’ex professeure. Vive inquiétude pour en masquer une autre, celle de n’avoir aucune idée de ce qu’il se passe au dehors, surtout de l’état de l’adoré.

Elle soupire, elle n’a pas de temps à perdre avec ses idioties et pourtant elle reste là, coincée à jamais au centre de la terre qui l’a happée il y a une éternité. A moins qu’elle ne voie trop d’intérêt à ce qui se passe plus haut, qu’elle ne veuille rien voir de la débâcle. Môme roule des yeux, détourne son ciel pour retrouver l’amie dans l’autre cellule, esquisse un sourire qui se veut rassurant, qui scande « tout va bien ». Tout va aussi bien que possible alors que le monde explose peut-être à l’extérieur, que jupiter s’est sûrement envolé à jamais, qu'il ne s'est jamais senti si laid, si débraillé et que son dernier horizon sera de pierres éboulées. Sans personne à serrer contre lui, un foutu fantôme pour seule compagnie. Il le fait toutes les heures environ, pourrait le certifier si on ne lui avait pas une nouvelle fois confisqué son onéreux cadran doré.

Moue maintenant boudeuse pour la revenante aux lèvres il tourne la tête de l’autre côté, comme si soudainement quelque chose allait apparaître. Comme si persée allait tenir sa promesse et venir le libérer. Ben voyons. Pourtant la porte s’ouvre, silhouette joyeuse déboule dans les geôles, qui n’a rien à faire là ou, au contraire, aurait mieux fait d’y rester. Apollon se redresse d’un bond, l’océan soudain vif même s’il est toujours bordé de sombre, lippes s’étirent d’elles même miroir. Et puis la baguette qui se brandit, l’or se secoue à la négative sans cesser de sourire comme un abruti. « Mais non, Fantoinette, il ne va pas.. » Il recule déjà, rire nerveux dans la gorge, levant un bras devant son visage déjà bien amoché pour se protéger. Peu de confiance en la subtilité de l’émeraude et ses idées toujours démentes.

Et si, il va. Il va carrément même, mais il faut dire que les explosions ça devient le domaine de prédilection de Poudlard. Merci Vicaire, il y en a au moins un qui a retenu quelque chose de tout ce qu’ils ont joyeusement éclaté. Il y a quelques jours, une semaine, une éternité. Mais il hésite quand même, et l’astre attend figé, au milieu de la cellule comme un con à le surveiller par-dessus son bras. Tout éclate. Il aurait mieux fait de se boucher les oreilles finalement, débris de verres volent en tous sens dans un vacarme cristallin, emplissent la tête et écorchent la peau, quelques égratignures qu’il ne sent même pas après tous les coups de ces derniers jours. Il y a même la reine qui glousse maintenant, étonnée par l’efficacité de l’anglais.

L’étoile elle ne laisse pas s’écouler un battement avant de se précipiter au dehors, respirer un air un peu plus frais, ou du moins elle en a l’impression, et rejoint son frêle ami pour le serrer dans ses bras. Léger rire nerveux qui secoue en l’entendant déblatérer, il a pensé à tout cet abruti même s’il n’a aucune idée de quelle cave il est en train de parler. Mangemort, Cha Cha – le sourire se défait d’un rien -, vêtements, il y a un truc qui chiffonne et l’enfant s’écarte vivement. « Imbécile qu’il grogne, rester dix minutes de plus c’était trop te demander ? Read s’est inquiété. » Et ils se sont retrouvés enfermés, ils ont failli y passer mais c’est secondaire presque. Aucun mot pour remercier, l’étreinte c’était bien assez, il se tourne vers le sac avant de sursauter, épiphanie se devine sur les traits. Doigts agiles arrachent le morceau de bois à la carcasse et l’américain court vers la seconde cage de verre. « Il faut l’aider. » Ton impérieux, réflexes reviennent vite avec la liberté, le morceau de bois s’agite déjà chante confringo informulé.

Les sourcils se froncent, il grogne, fixe dubitatif la vitre, la belle en détresse et puis la baguette qui, de toute évidence, ne fonctionne pas. « Richie ? Ta baguette, elle a déjà été cassée, non ? » il siffle entre ses dents serrées, il faut la sortir de là de toute urgence, ça presse si fort qu’il ne pense pas à s’agiter plus. La revenante, elle, se plie presque de rire dans son coin.

Regard sévère pour le déjà mort, non il ne va pas si bien mais il n’ajoute rien, il le fixe juste, perplexe, courir partout comme un personnage de bande dessinée avec sa chaise qu’il fracasse contre la vitre fendillée. « Ah. » Alors il n’attend pas, il s’écorche un peu plus contre les morceaux de verre mais il se précipite pour récupérer l’amie catatonique et la remettre debout. Elle s’effondre dans ses bras. Un moment il laisse couler, la serrant simplement contre lui, il laisse la pluie tomber autant qu’elle en a besoin, attend que l’averse se calme pour chuchoter. « Chh chh, ça va aller Lo’. On sort maintenant, on va les retrouver, on va chercher. Je te le promets. » Il murmure tendre, une main dans les mèches ébène, les doigts qui viennent, doux, essuyer les larmes sur les joues. Les parce qu’il y en a trop des âmes qu’ils ont égarées, qu’on agite fantoches sous leurs yeux pour les secouer ou remuer un couteau déjà loin dans les côtes. Ici ils en ont tous une au moins, et d’autres avec qui ils voudraient juste passer quelques instants si c’est la fin.

Doucement il la relâche pour glisser sa main dans la sienne, l’emmener quelques pas plus loin vers l’anglais qui boulotte son goûter. L’astre redresse le menton malgré la situation qui n’appelle aucune fierté, le ton est sans appel. « Maintenant, on sort. Et on rejoint les autres. Tout va bien se passer. » Il n’y croit pas mais c’est ce que chuchotait durmstrang quand il tremblait dans la nuit alors il essaye à son tour. Risible comme plan mais évident.
« Ils doivent être en train de se battre. Read, Vic’, Minsk.. » Sûr qu’ils vont tiquer, pas leur spécialité à aucun des trois alors les traits se font assurés, ceux qui disent suivez-moi on s’en sortira.
Et puis la porte claque, vif sursaut qui prend tout le corps. L’azur rougi glisse sur la silhouette qui vient d’entrer, lâche même un « Fuck. » plus qu’approprié. Vivianne. Vivianne qui dégouline de sang. Vivianne qui trouve ses trois suspects préférés au milieu d’une nouvelle évasion.
Les sourcils de l’apollon se froncent un brin, il concentre l’esprit sur les deux amis à ses côtés, sur la panique depuis qu’il a vu les autres s’en aller, surtout pas sur qui il veut toujours cacher, il ferme toutes les barrières par réflexe. Peut-être de quoi la perdre un peu, gagner quelques minutes si elle se décidait à fouiller.
Quelques pas vers la dame phénix. Foutu pour foutu. Il tend ses deux mains, poignets collés, paumes vers le haut. Sourire arrogant s’accroche aux lippes même s’il tremble un peu. « On recommence ? J’ai pas de couteau cette fois-ci et il est pas là. » Parce que la moquerie est la seule solution quand on ne peut pas donner d’explication parce qu’on a nous même pas la moindre idée de ce qu’on est en train de faire. Visage se fait vite plus sérieux, ton inquiet qui vient demander. « Qu’est-ce qu’il se passe, là-haut.. ? »

Vous avez si peu confiance en moi. Les emprisonnements, les attaques, les tueurs invités sans prévenir personne. Réponse fuse hargneuse. « Oui. Il n’y a pas plus important à faire que de venir ramasser les traîtres ? » L’azur brille un peu, il lui en veut, frustration trop évidente pour qu’il tente de la dissimuler. Enfin. Si elle ne compte ni les enfermer ni les achever, il peut faire un effort pour ne pas en rajouter. Les épaules se haussent, visage se fait plus neutre déjà. « On va essayer de survivre je crois. D’ailleurs, peut-être que vous pourriez nous rendre nos baguettes pour nous y aider un peu ? » Sourire pincé, le plus poli qu’il puisse lui offrir l’instant. Elle aurait vraiment du le laisser mourir ils auraient gagné du temps.

Regard dans son dos, sourcils haussés devant le manège des deux autres. Tango semble s’interposer, Tango toujours blessée. L’astre se retourne vers le phénix. Sourire se fait plus doux, lèvres qui viennent quémander maintenant. « Et vous pourriez aussi .. Faire votre truc, et soigner Loe ? S’il vous plaît. » Ça, ça saurait les aider.  

Baguette s'élève, sortilège claironne et sourire s'étire finement chez le garçon. Cartes abattues, l'intrigante s'est dévoilée bien vite. Sûr que Vivianne avait bien mieux à faire si l'île tombait déjà aux mains des soi-disant mauvais. Sauf que les cordes qui s'enroulent ne sont pas pour lui plaire, ça rappelle un autre combat brillamment perdu contre - paraît-il - le plus mauvais des duellistes sur une plage qui évoquait pourtant paradis. L'astre n'aime pas être privé de ses moyens sauf dans certaines situations et celle-ci n'en est pas, celle-ci agace surtout il voulait seulement sortir et retrouver un être cher. Sang s'échauffe vite, bouillonne frustré d'être si bassement immobilisé.

Elle crâne la latino et ça ne lui plaît pas plus, l'azur scintille assure que, non, il ne la suivra pas si facilement. Pas après une attaque si laide. Soleil a chaud maintenant, il pense un peu moins clair et un peu plus vif même si rendre les armes calmerait sûrement un autre type de peine. Il faut se libérer, il faudra sûrement la terrasser. Parce que Loe ne se rendra pas, Richard suivra, il y a aussi les deux amis à protéger. Qui l'aurait cru. Magie s'élance brûlante pour briser les liens, le fauve ne laisse qu'une main l'enchaîner et elle est sibérie. Il se décale vite d'un semblant de pas de côté, lance déjà dans son dos puisqu'il a les mains vides. « Richie, maintenant ! »

Lancer de dés:

Elle ne sourit plus maintenant, elle n’en a plus le temps avec ses jolis traits figés par le malédice de l’anglais. Parfaitement exécuté, ça surprend un peu mais Sherry rend l’impossible possible une fois de plus. Elle ne bouge plus maintenant, il faut faire vite alors l’astre bondit vers elle pour arracher le morceau de bois de ses doigts crispés. Branche qui tourne entre les siens, rien de sa délicate rose mais il s’en contentera et pointe vers la poitrine d’un mouvement élégant. Pas d’hésitation juste un léger frémissement d’impatience, la peur c’était pour le premier méfait. Sa main on l’a guidée et désormais elle ne saurait trembler. « Avada Kedavra. » Il lance tranquillement, voix claire et éclat vers qui foudroie. Mince sourire étire les lèvres, il y en a un qui serait fier même si c’est trop propre, trop rapide. On ne joue pas avec la dame, ne tranche pas dans les chairs cette fois. Il faudra s’en contenter, il y en aura sûrement d’autres pour se rattraper, il va falloir se rattraper ça quémande déjà. Mais qu’est-ce qu’il a libéré.

Soleil bat des cils en la regardant s’effondrer, douce chaleur à l’intérieur et aussi vite il se retourne, corps n’est pas froid qu’il l’ennuie déjà. La baguette se lève vers la porte, sortilège pour sceller la porte, ça fera gagner quelques instants si d’autres décidaient de jeter un œil. Et il se retourne, passe une main dans ses cheveux toujours poisseux de sang séché, revenant vers les deux amis enlacés. Quelques mouvements de la baguette pour se redonner une apparence correcte, effacer les traces des jours passé enfermé, le vermeil collé de partout on ne laisse que les cicatrices qui tranchent, pas d’énergie à perdre à les dissimuler ce soir. Tant pis pour la honte. Le garçon s’accroupit devant le sac pour en sortir les vêtements ramenés par Sherry, léger froncement de sourcils en sortant le polo beige. Le. Polo. Frisson de dégoût mais il n’en dit rien, pas question de vexer l’ami à la si douce attention en montrant le genre de sentiments qu’inspire l’habit. Et sans perdre plus de temps il se défait de ses vêtements sales et froissés, chemise, pantalon, tout pour enfiler les nouveaux, au moins on ne lui a pas proposé un jean de prolo mais bien un pantalon taupe étonnamment curieusement assorti. « Joli, Richie. Bon, vous avez fini ? Il va falloir qu’on se dépêche, la mort de Neruda ça ne passera pas inaperçu. » Timbre toujours autoritaire et sûrement trop calme.