[SUJET 1] Stratégie

C’était surréaliste, elle ne pouvait pas se trouver en France. Elle, qui il y a quelques jours seulement était bonne quarante-cinquième. Certes, il y avait eu des départs, mais elle n’arrivait pas à intégrer sa nouvelle place de vingt-neuvième. Et pourtant, à peine le nouveau classement sorti, voilà qu’elle était sélectionnée pour une mission, en France. Cette perspective l’excitait autant qu’elle l’inquiétait. Elle était contente de sortir un peu de l’Astronef, et de découvrir un nouveau pays. Mais en même temps, elle n’était pas là pour du tourisme et la mission serait loin d’être de tout repos. Ce qui la rassurait, c’était les personnes qui étaient avec elle. Minsk, son pilier à l’Astronef. Mambo, qu’elle ne connaissait qu’à peine mais qui avait plus qu’aidé son amie précédemment citée. Et puis Che Guevara, l’une des professeures qu’elle estimait le plus à l’Astronef. Deux Castelobruxos, deux Durmstrangs.

Elles s’étaient retrouvées vers dix-huit heures et avaient pris un portoloin jusqu’à la France. Un massif désertique et vert s’étendait à perte de vue, sans âme qui vive. Elles investirent une grange, pour préparer leur plan. Ce fut Minsk qui prit la parole en premier, évoquant la barrière de la langue.  « Oui, une rune pourrait être une bonne idée. Même entre nous, pour éviter les erreurs de compréhension. » et par ce nous, la slave parlait évidemment d’elle, qui se débrouillait en anglais mais quand la personne en face d’elle articulait bien. Et puis elle avait du mal à comprendre les nuances, qui pouvaient s’avérer cruciales dans ce genre de situations. « Je pense pouvoir m’en occuper, si vous voulez. » Merci Boadicée, merci Zaniah de lui donner des conseils et des exercices de pratique pour les runes.

 « L’autre problème, c’est qu’on ne sait presque rien. Si c’est effectivement un Mangemort qui tient le réseau, alors sa planque doit être bien protégée. » Elle marque une pause, semble réfléchir.  « Dans une cache, il y a au moins trois sorties potentielles. La porte principale. L’issue visible, un garage ou une porte de cuisine par exemple. Et puis une autre voie, un tunnel souterrain par exemple. Ça me paraît compliqué que l’on réussisse à repérer cette dernière sortie, d’autant plus que les tunnels peuvent être longs de plusieurs kilomètres et avoir plusieurs sorties... » Elle parle de ce qu’elle connaît.  « Et si on entre par la force ou que l’on s’annonce, on peut être sûres qu’au moins une partie des personnes présentes va s’enfuir. » Une idée semble germer dans son esprit. Elle pose la sacoche qu’elle a emportée sur la table et en sort des fioles fermées par un bouchon en liège. Les potions sont pour le moment ses meilleures armes, tant qu’elle ne progresse pas en duel magique.  « Les fioles violettes contiennent une potion volatile qu’on a fabriquée avec Minsk. » Elles n’étaient pas destinées pour ça, à la base, mais Varsovie avait préféré en emporter une partie, au cas où. « Leurs effluves peuvent endormir ceux qui les sentent pour une heure environ. Si on réussit à s’approcher assez de  la cache pour les jeter à l’intérieur - par une cheminée par exemple - ça nous évitera de faire fuir tout le monde. Évidemment ça ne suffira pas pour mener à bien notre mission, mais ça peut nous permettre d’entrer à l’intérieur. » Sa voix était un peu hésitante. Elle ne savait pas vraiment si c’était une bonne idée, mais c’était la seule qu’elle avait pour le moment. D’habitude, elle ne faisait pas les plans, elle se contentait de les suivre.

La France. C'est le pays qui tu parais à la fois le plus familier et le plus exotique. Étrange sensation. Tu connais les sonorités du français, ses étranges prénoms tout particulièrement, mais pas le pays, son climat froid. C'est pas cette France-là que tu connais. Blottie dans un coin de la cabane de fortune, avec Che et les deux autres filles, tu secoues doucement la tête à la question de Minsk. « Trop peu … » Si c’est pour vous trouver un restaurant et un hôtel, ce serait sans trop de problème, mais pas pour ce que vous devez faire. Alors la solution de Varsovie est des plus judicieuses.

Tu restes en retrait, un œil sur Che Guevara, vos pensées convergeant sans doute. Tu écoutes les filles, leurs idées, et oui, les fioles de Varsovie te semblent être une bonne idée. Pleine de ressources cette slave, tu en prends note dans un coin de ton crâne. Finalement tu ouvres le bec à ton tour. « Ce qui entre et sort facilement de ce genre d’endroit, ce sont les marchandises, et pas toutes seules de facto. On peut peut-être s’appuyer sur la mule, ou le chef dealeur ou peu importe qui est chargé de ça. Je pense être largement en mesure de faire en sorte que ce type balance de lui-même tes fioles dans le labo. Par contre il faut trouver le mec et lui prélever un peu de sang, c’est plus efficace qu’une mèche de cheveux. » Tu te tais, les laissant faire les déductions qui s’imposent quant à tes capacités. Même si Minsk doit en avoir une vague idée. « Je ne sais pas pour vous, faire dans l’attaque frontale ce n’est pas ma spécialité. Alors ouais va falloir trouver une idée dans ce genre-là… Mon truc c’est plutôt la manipulation et les maladies. Si tu peux trouver une version contagieuse et à retardement de ta potion Varsovie on peut aussi les avoir comme ça. Et plus facilement. » C’est vrai que la difficulté dans le cas présent, était que vous aviez besoin d’informations, et donc de quelqu’un, présent et vivant. « Le tout c’est de neutraliser et de se protéger. Pour le reste, ça ne devrait pas être trop compliqué. » Tu sembles avoir confiance en toi, et c’est plutôt le cas. Récupérer des informations … disons que pour toi les cours de torture se rapprochent plutôt d’un cours de culture générale.  

Une chose est sûre : avec cette équipe, il est effectivement hors de question de tenter l'attaque frontale. Du reste, ils doivent démanteler un réseau, et non simplement saboter une planque. Il faut trouver la tête. Et la couper. Sourire aux lèvres, elle s'assoit sur un bout de muret à moitié détruit. La question de la langue est pertinente. Pour le reste, c'est un peu brouillon, peut-être pas assez discret. L'idée est là. Il suffit de la polir.

« Vous êtes motivées. Vous m'en voyez ravie. Prononce-t-elle avec son accent aux relents latins. Je pense que la rune de langage est une bonne idée. »

Elle se lève finalement, prend une des fioles qui parsèment le sac. Les yeux décortiquent la substance violette. Intéressant. Bizarre, aussi. Peut-être que les russes sont extrêmement bien préparées. Ou peut-être qu'elles ont des plans annexes. L'information rejoint un coin de sa tête, puis Che Guevara se re-concentre sur leur problématique.

« Quant au reste... Je ne doute pas de l'efficacité de votre produit, ni de tes capacités à plier la volonté d'un homme, Mambo. Or le but n'est pas uniquement de raser les installations. Il faut découvrir qui est à la tête de l'opération. Débusquer les rats... Les forcer à se montrer. Un jeu de rôle, ça vous dit ? »

Elle ouvre son sac et en sort une mallette, qu'elle pose sur la table, près des fioles. Les verrous sautent, le couvercle dévoile des paquets marrons et opaques, bien emballés, bien alignés, bien rangés d'une taille à peu près semblable à des briques.

« C'est de la maravilha. »

Les russes ont en peut-être eu vent, ou peut-être pas. Mambo doit savoir ce que c'est, en revanche. Le produit qui sévit en Amérique du Sud, celui qui confère ou booste momentanément, fugacement, le potentiel magique. Celui pour lequel on pourchasse et on tue les leurs, dans cette partie du globe. Pourquoi en Che Guevara a-t-elle une valise entière ? Elle ne prend pas la peine de le préciser. Sans doute une saisie du raid qu'ils ont fait, juste avant d'arriver sur l'Astronef. Ou même d'un autre. Elle faisait partie de l'unité en charge de traquer ces réseaux de contrebande, après tout. Un sourire carnassier ourle les lèvres.

« Peut-être qu'il est temps de trouver un importateur en Europe ? Peut-être qu'une délégation d'un cartel colombien peut même se déplacer pour fournir un échantillon et procéder à des accords commerciaux. »

Elle est très à l'aise dans son rôle. Très à l'aise pour mentir. Ça paraît presque naturel. Des années d'infiltration et de chasse lui auront appris à muter, s'adapter, et penser comme leurs ennemis. 

Au moins, elles sont d’accord sur le fait qu’une attaque frontale n’est pas l’idée du siècle, vu le groupe. Mambo renchérit sur les potions, mais la slave hoche négativement la tête. Les potions fabriquées ne sont pas faites pour être contagieuses ou quoi que ce soit. Théoriquement, ça pouvait se faire, mais cela aurait nécessitait du temps et surtout des ingrédients supplémentaires. Elles n’avaient ni l’un, ni les autres. Alors c’est Che qui prend les choses en main, évidemment. Elle acquiesce pour la rune, et propose un jeu de rôle aux filles. Plus discret, plus risqué, mais surtout plus efficace. Minsk évoque sa légilimencie, avec modestie. La blonde sait pourtant que son amie est plus que douée, même que parfois elle se demande si elle ne sait pas tout sur elle…

Les idées des filles sont vagues, mais Che sait de quoi elle parle. Varsovie boit ses paroles, et écarquille les yeux quand la sud-américaine ouvre sa mallette. Elle ne sait pas ce que c’est, mais elle sent la grande satisfaction de leur professeur. Peu importe ce qu’il en est réellement, ce doit être quelque chose de très puissant et prisé. Et puis Minsk demande, alors elles sauront bientôt ce que c’est réellement. Elles doivent avoir le plus de renseignements possibles pour être crédibles si elles doivent jouer un rôle.

Minsk soulève alors ce qui pourrait être le point faible du plan. Che et Mambo peuvent aisément passer pour des membres d’un gang d’Amérique du Sud. Mais les slaves et leur allure de chatons égarés, c’est une autre histoire. « On pourrait être des pantins. Ou des intermédiaires, quelque chose comme ça. Si on arrive à faire croire que Che et Mambo ont de l’emprise sur nous, ça renforcera leur aura et ça leur donnera de la légitimité face aux français. » Elle sait que Minsk ne va pas aimer ce plan, qu’elle préférerait être dans le jeu de la mafia russe ou quelque chose du genre. Mais il faut aussi faire avec ce qu’elles ont, et pour le coup leur visage presque enfantin pourrait presque leur servir. Ils ne se méfieront pas d’elles, ce qui était un avantage. Quand on n’a pas le charisme, on a la ruse.

« Et bien professeure, il fallait nous dire plutôt que vous aviez tout ça … Pour nos petites fêtes dans les dortoirs … » Tu arques un sourcil narquois, te demandant bien ce qu’elle peut fabriquer avec une telle quantité de drogue en stock. Peut-être avait-elle prévu le coup, pour ce genre de situation, les cartels étant un putain de fléau que tu ne connais que trop bien. Ce qui ne t’étonnerait pas d’elle. Mais ça ne t’étonnerait pas non plus qu’elle est autant de stupéfiants en sa possession pour de toutes autres activités. Tu lui fais confiance certes, mais tu lui fais aussi confiance pour te surprendre. Tu retiens, avec toute la politesse dont tu es capable, c’est-à-dire pas énormément, un rire à la remarque de Minsk. « Jolies petites gringos, en plus c’est pas comme si on vous aimait bien. Enfin surtout les types des cartels je veux dire. » Ok, vous crachiez à peu près tous sur les ricains. Ce qui était peut-être un des rares points communs que vous partagiez avec les slaves. Mais les autres blancs, ça allait. Mais c’est là que l’idée de Varsovie est tout à fait juste. « Pour une fois que les bronzés ne seraient pas la chair à canon des plus clairs … C’est sûr que ça nous donnerait un certain aplomb, surtout qu’on est qu’une bande de gonzesses et que là-bas ça doit être 90% de mecs, et certainement 100% aux commandes. Mais si vous voulez pas jouer à ça, j’dois bien avoir des cheveux à Tango sur mes fringues ou ma brosse à cheveux. » Tu sous-entends l’utilisation du polynectar. Pour ressembler à une latina. Tu comprends bien que ce n’est pas forcément très drôle à jouer comme rôle. Et tu doutes un peu que Minsk est envie de se faire persécuter, même pour la forme, après son aventure avec MN. Tu reconsidère Minsk, un instant, et ses capacités de legilimens. « Puisque tu es la plus susceptible da gagner des renseignement, il faut que se soit toi qui arrive à être le plus proche des hauts gradés. En tant que … pantin, femelle qui plus est, c’est jamais dans une bonne situation qu’on se retrouve proche de ce genre de type. » Finalement, ton regard fait un aller-retour entre Varsovie et Che Guevara. « Par contre pour la rune de langage je sais pas comment ça marche, mais faudra sans doute jouer avec les accents, ce serait un poil étrange qu’on ait un français parfait… »

« On tue des sorciers pour cette drogue. C'est vilain. Répond-t-elle pour Minsk. »

Che Guevara adresse un clin d’œil à Mambo pour souligner la remarque, et acquiesce le reste. Elle est un peu dubitative à propos des performances de Minsk, non qu'elle remette en question la légitimité de sa particularité ou de son ascension dans le classement (si on omet les disparus, ça veut bien dire quelque chose), mais elle la sent... Sur la retenue. Peut-être même fière ? Le sourire du Che s'étire, mi-sinistre mi-chaleureux. Elles peuvent toujours faire un test.

« Je pense même que nous n'avons besoin que d'une rune franco-espagnole, pour Minsk ou Varsovie. L'une de vous sera notre interprète. Je penche pour Minsk, puisque sa legilimancie peut lui faire véhiculer les traductions et les intentions directement là. Explique-t-elle en pointant sa tempe d'un doigt. Si tu permets, Minsk, j'aimerais faire un test. Essaye donc de voir quelque chose dans ma tête. »

Che Guevara veut jauger son niveau, voir si elle a les épaules pour endosser ce rôle et peut-être un peu pour voir également si elle doit se protéger elle-même. Car il est des choses que les enfants feraient mieux d'ignorer.

NOTE HRPG : Minsk, si tu choisis de te prêter au jeu, sur un jet 100 tu as 20 chances de réussir à capter quelque chose, dont 5 de capter quelque chose de très intéressant.

Elles n’en n’apprendront donc pas plus sur la maravi-truc. Mambo et Che savent ce que c’est, et apparemment c’est suffisant. Varsovie ne réplique pas, de toute façon si la professeure ne veut pas leur en dire plus, c’est probablement qu’elle a ses raisons. Mambo propose l’utilisation du polynectar, mais Varsovie n’a pas pu non plus emporter une réserve complète de potions dans son sac. Cela dit, elle aurait quand même préféré cette solution à l’idée que Minsk doive tenter de se rapprocher des hauts gradés…

Son esprit divague ensuite sur les runes pendant que Che Guevara met l’autre slave au défi. Si l’idée d’avoir une seule interprète qui soit d’autant plus legilimens n’est pas mal, ça reste quand même compliqué. Che et Mambo parlent espagnol. Minsk et elle, en russe. Ensemble, elles parlent anglais. Et elles se rendent en territoire français. C’est un vrai casse-tête linguistique. Elle sort son petit carnet noir, tapote la couverture avec sa baguette et il s’ouvre sur une page où des runes sont dessinées. Ce sont ses notes de ce midi, avec Zaniah. La première est la rune polyglotte, que Pollux avait utilisé pendant le cours de politique. Mais cela voudrait dire que les français comprendraient aussi lorsqu’elles s’adresseraient les unes aux autres, ce qui n’était pas à leur avantage. Il fallait impérativement qu’elles puissent communiquer toutes les quatre sans ambigüité.

Elle attendit que Minsk ait fini l’investigation dans l’esprit de Che. Malheureusement, ce un échec… mais en même temps, fallait-il en attendre moins de la part d’une professeure ? Varsovie essaie de capter son regard, juste pour lui dire silencieusement que c’est pas grave, mais la brune semble absorbée dans l’observation des cailloux.

« Désolée de revenir sur l’histoire de la rune... Mais si on n’a qu’une rune franco-espagnole ça va pas être très pratique de communiquer toutes les quatre. Zaniah m’a dit qu’il n’y a pas de problème à utiliser deux runes de langage. L’idéal ce serait qu’on parle entre nous une langue que personne d’autre de comprend. Peut-être une langue amérindienne, ou quelque chose comme ça ? Et Minsk aurait en plus une rune pour comprendre et parler le français. » Ça devient compliqué, toutes ces histoires.