[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Guinness a indubitablement changé depuis son arrivée à l’Astronef. Son teint clair est devenu grisâtre, tiré par la fatigue. Sa longue chevelure soigneusement entretenue est devenue terne, négligemment nouée en une natte à peine démêlée. Elle ne s’est pas pour autant moins investie ces derniers-jours. Certes, on l’a vue manquer quelque cours, mais certains prétendent qu’elle est sur le point de les rattraper, qu’elle en aurait fait la demande aux enseignants.
On l’aperçoit rarement aux repas. Elle semble passer son temps libre seule, on ne sait où. Mais en cette fin de matinée, elle n’est pas difficile à trouver. Elle est restée dans l’aile sud, où l’on ne trouve généralement que les enseignants et les 10 premiers élèves du classement. Guinness est passée à la Grande Salle en un éclair pour prendre de quoi se nourrir, et l’a aussitôt emporté dans la salle d’entraînement des 10.
La porte est fermée, et la salle est si calme qu’il aurait été à vrai dire difficile de savoir que quelqu’un s’y trouvait. Et pour cause. Guinness y travaille ses sortilèges informulés. Assise silencieusement en tailleur contre un des murs de la pièce, elle a posé devant elle son Livre des Figures Hiéroglyphiques et pointe son étrange baguette dessus. Cette dernière siffle dans l’air, dessinant une boucle. Le livre se déplace d’à peine quelques centimètres. Guinness laisse échapper un soupir exaspéré, levant les yeux au ciel. Sa bouche pleine l’empêche au moins de prononcer la formule par inadvertance.
Guinness se frotte les yeux, brillants de fatigue, puis se concentre à nouveau. Sa baguette trace la boucle reconnaissable d’un Wingardium Leviosa… Cette fois, le livre ne bouge même pas.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Guinness pince les lèvres devant son échec. Elle pousse un soupir, ferme les yeux pour plus de concentration. Sa bouche reforme silencieusement la formule. « Wingardium Leviosa. Wingardium Leviosa. » Quelques secondes d’immobilité, puis la baguette fend l’air. En vain.
Une voix masculine brise le silence. Guinness lève les yeux. Elle n’avait pas entendu la porte s’ouvrir, ni se refermer. Pollux s’y tient. Il lui propose son aide, sans arrogance ni dédain. Une cigarette, plus légère à soulever. Une lueur s’allume dans les yeux de Guinness. Elle pense clairement à la prendre pour la fumer…
« Merci. » dit-elle d’une voix faible en attrapant la cigarette.
Elle met le livre dans sa sacoche et place le tabac devant elle. Levant les yeux vers Pollux, et lui indique d’un coup d’œil de venir s’asseoir à côté d’elle. Sa baguette braquée devant elle, elle ne quitte pas l’objet des yeux, qu’elle peine cependant à garder ouverts. Elle sert la mâchoire. Sa baguette dessine une boucle. La cigarette roule sur une dizaine de centimètres.
« C’est complètement inutile ! » siffle-t-elle, perdant patience. Guinness a jeté sa baguette au sol et met sa tête entre ses mains, ses cheveux roux glissant entre ses doigts. « ça ne sert à rien, je n’arrive pas à me concentrer… »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Après quelques secondes, Guinness relève lentement la tête à la proposition de Pollux pour prendre la cigarette offerte entre ses doigts. Elle écarte ses longs cheveux roux de son visage, moins en bataille que ces derniers jours. La clope entre ses lèvres, elle se penche vers la flamme de Pollux et inspire profondément.
Laissant sa tête reposer contre le mur derrière eux, elle ferme les yeux et expire un long filet de fumée argentée. Mais lorsqu’elle les rouvre, ses sourcils sont toujours délicatement froncés, ses prunelles toujours aussi troublées. Elle observe d’un air absent l’américain reprendre sa baguette magique et la lui tendre. Guinness la prend et la range dans son sac. « Merci. » dit-elle sombrement.
Elle ne réagit pas tout de suite à l’inquisition de Pollux. A se demander si elle l’a même entendu. Son regard reste posé sur sa cigarette. Non. Sa main. Légèrement marquée de fines et anciennes cicatrices blanches. Elle tremble légèrement.
« Penses-tu que ce soit une erreur d’être venu ici, Pollux ? » demande-t-elle sans le regarder, comme par peur d’assumer sa question. Pourtant, après la mort de Monseigneur puis de Corail, elle ne doit pas être la seule à se poser la question.
« ça me fait bizarre que l’on ne s’appelle même pas par nos prénoms. Je comprends pourquoi. Mais si nous formons la Résistance, ne devrions-nous pas nous faire confiance ? Ou alors n’est-ce pas perdu d’avance ? » Elle se passe une main sur le visage, signe de sa perplexité. Guinness semble perdue. Puis elle se tourne vers l’américain pour attendre sa réponse. « Pollux. » dit-elle simplement, comme pour expérimenter la sensation de ce nom sur ses lèvres, nom aussi vide de sens que le sien.