Chemisier et jupe ont été troqués contre pantalon et t-shirt. Un choix que Belgrade réserve aux entraînements et aux épreuves de terrain. En passant la porte de la salle des 10, elle abandonne la cape de sorcière dans un coin de la pièce, de même que son sac débordant de livres. Cheveux tirés et attachés, mine aussi sérieuse qu’à l’accoutumée, elle s’avance vers un premier mannequin et se met en position. Automatiquement, l’objet magique se met en mouvement, filant droit vers elle. Son bras arrête un premier coup visant la tête, puis d’un mouvement du pied elle tente de chasser les jambes de l’opposant mais il l’évite, dégainant cette fois sa baguette. Prête, elle tient la sienne entre ses doigts lestes, évite le sortilège de désarmement en glissant ses épaules sur le coté puis réplique. « Diffindo ! » Première entaille au torse ; le mannequin recule légèrement, la fausse blessure laissant s’échapper un liquide bleu. Il se ressaisit vite, se jetant presque sur elle. En voulant l’esquiver, elle chute mais prend soin de l’entraîner avec. Les adversaires roulent sur quelques mètres, Belgrade grimaçant en sentant le sol dur dans son dos. Elle frappe à l’aveugle, sans grande précision, dans le simple but de décontenancer le mannequin.
Mais il parvient soudain à la plaquer au sol, une main se refermant autour de la gorge féminine. La russe soupire, agacée d’être en si mauvaise posture. Peut-être a-t-elle réglé la difficulté à un niveau un peu trop élevé, peut-être se surestime-t-elle ? Elle a cependant encore sa baguette en main, et se tortille pour réussir à viser la tête du mannequin. « Liquescimus faciem ! » Le sort, de son invention, n’est pas encore tout à fait au point mais il remplit quand même son but original : la fausse peau des joues du mannequin se met à brûler puis à fondre. Il ouvre la bouche pour hurler mais aucun son n’en sort - elle a préféré retirer cette option là. Profitant de cette ouverture, Belgrade le repousse sur le coté et se hisse sur pied. Elle pointe sa baguette sur l’homme et prend une profonde inspiration. La sueur a coulé sur son front et dans le creux de son dos, ses cheveux collent à sa tempe et son souffle est court, mais sa voix est confiante. « Imperio. » Elle doit perfectionner sa pratique de ce sort, bien qu’un mannequin ne présente pas une très grande opposition - c’est après tout la seule manière qu’elle ait de s’y entraîner. « Danses. » L’objet magique obéit, se fendant de quelques mouvements en rythme. Nul sourire n’apparaît sur les lèvres de Belgrade. Ce n’est qu’un exercice, pas une source d’amusement. « Stop. Tailles toi la paume. » Instant d’hésitation. Bien qu’il n’ait aucune conscience propre, le mannequin n’est pas non plus programmé pour se laisser faire même par un tel envoûtement ; il résiste un bref instant, sa volonté artificielle affrontant celle de Belgrade, qui se tient droite comme un I. Enfin, il cède et de la pointe de sa baguette, commence à trancher le creux de sa main.
Un mouvement à la limite de sa vision détourne soudain son attention. Numéro 2 se tient là. Depuis combien de temps l’observe-t-il ? Elle soupire discrètement, avant de se parer d’une expression polie quoi que distante. « Pollux. » fait-elle sobrement. Il n’est là que pour s’entraîner également, suppose-t-elle en se tournant à nouveau vers le mannequin. Pour Belgrade, retrouver sa concentration malgré le regard pesant dans son dos risque d’être un vrai défi. Pas un instant elle n’envisage d’entamer une vraie conversation...
Belgrade sent le contrôle lui échapper. Elle lutte un bref instant, tente de rattraper le tir, mais c’est déjà trop tard : le mannequin obéit à sa fonction première, bondissant en direction de Pollux. Avec un soupire, elle croise les bras et observe la scène. Le numéro 2 est indéniablement bon, en particulier avec les runes. Bien sûr, la slave ne montre rien de son appréciation, se contentant de hausser un sourcil. Le résultat du combat est certes expéditif, mais quel intérêt ? Elle aussi, aurait pu l’envoyer au tapis rapidement, si elle l’avait voulu. Un seul adversaire, il n’y a rien de très pimenté à cela. Il s’agit de pratiquer certains aspects du combat, de peaufiner ce qui n’est pas encore absolument parfait. Voilà son aspiration, impossible à atteindre et d’autant plus désirée : la perfection.
Et lui parle de jouet. Tout semble être une blague aux yeux du jeune homme, et si Belgrade ne commençait pas un peu à le saisir, elle l’aurait sûrement mal pris. Un froncement de sourcils aurait agité brièvement son expression d’ordinaire neutre, et elle lui aurait demandé de quitter la salle s’il venait pour s’amuser plutôt que travailler. Au lieu de quoi, elle ne réagit pas ; progrès presque imperceptible, mais réel. Elle n’a pas vraiment la tête à répondre, de toute manière, que ce soit par une ébauche d’humour ou une tentative de pique. Alors elle se contente de le fixer, toujours avec la même posture. Bras croisés, baguette roulant entre ses doigts, simple moue vaguement ennuyée. Elle n’a pas vraiment conscience d’être l’incarnation du froid, à attendre qu’il ait quelque chose d’autre à dire, une raison de rester - ou à ce qu’il la laisse continuer de s’entraîner en paix.
Alors, quand il ferme la porte et balance sa proposition, Belgrade tique. Doucement, ses sourcils se haussent, elle le regarde d’un oeil exprimant toute sa perplexité. S’entraîner ensemble, ce n’est pas si étrange dans le top 10 - mais s’entraîner AVEC (ou contre, il faut dire les choses telles qu’elles sont) Belgrade, rares sont ceux assez braves pour s’y risquer.
« J’imagine que oui..., lâche-t-elle d’une voix hésitante. Qu’est-ce que tu veux pratiquer ? Combat mixte, corps à corps, sortilèges offensifs ? »
D’un geste de la baguette, elle fait disparaître les restes du mannequin s’étant enflammé et s’avance vers le centre de la pièce avant de se retourner pour faire face à Pollux. Un petit sourire commence à apparaître sur ses lèvres alors qu’elle cède à la tentation de reprendre leurs échanges idiots. La pratique du sarcasme, comme l’avait appelé Pollux. Elle y prenait goût, Belgrade, l’air de rien.
« Sortilèges impardonnables ? qu’elle lance d’une voix taquine, sans une seconde y penser sérieusement. Sur l’Astronef, il n’y a qu’une poignée d’élèves capables de jeter ce type de sorts, ou du moins dotés de la détermination nécessaire. Elle préfère rendre évident l’humour auquel elle s’essaie, craignant qu’il prenne la boutade pour une menace. Je plaisante, ne fuis pas tout de suite. »