midnight glory

La Lune donne une autre aura à l'Astronef. L'extinction des feux a eu lieu un bon moment auparavant, laisse les couloirs vides ou presque, les salles silencieuses et les délégations parquées dans leurs quartiers respectifs. Elle a préféré se percher au bord d'une des hautes fenêtres d'une salle d'entraînement, les yeux comme des billes, baguette qui tourne et tourne entre ses doigts minces. Elle est dans l'attente, cheveux soigneusement tressés et remontés haut sur son crâne en un chignon serrés, vêtements qui collent aux courbes, chaussures les plus confortables possibles. Elle a le regard perdu sur le paysage qui s'offre à ses yeux, bien qu'elle n'y prête pas vraiment attention. Elle attend la plus haute des étoiles de l'Astronef, Alcyone et sa prétention, Alcyone et ses capacités magiques.

C'est elle qui a lancé l'idée comme un pavé dans une mare. Le duel qui a opposé l'Américain à Meryt-Neith fait encore un peu de bruit dans l'école, murmures admiratifs mêlés à plaintes de déception. Qu'il ait tenu tête de cette façon à un professeur impressionne, a impressionné Ljubljana, assez pour aller lui quémander un peu d'attention, lui proposer duels plus ou moins bon enfant tous les deux, USA contre bloc de l'Est. Comparer les notes, échanger sortilèges et coups de poings, le but est de s'améliorer, après tout. Cohésion d'équipe entre deux individus que l'Histoire souhaiterait éternels ennemis. La porte s'ouvre derrière elle, lui fait tourner la tête. La silhouette du numéro deux est reconnaissable, même dans l'obscurité relative du lieu. « Bonsoir, Alcyone. » Elle s'efforce à parler anglais même avec le sortilège de traduction immédiate, accent traître qui fait rouler les R plus que de raison.

Ljubljana déplie sa silhouette, s'étire autant que possible, les bras dressés au-dessus de sa tête — ce n'est pas ça qui fera grandir son petit mètre cinquante-sept, elle en a conscience, mais elle essaie malgré tout. Chauffer ses muscles ne peut que lui faire du bien. « Ca va, ton épaule ? » Banalités d'usage, sûrement. Elle reste quand même inquiète, même s'ils ne se connaissent pas plus que ça. Les blessures arrivent, ici sûrement plus qu'ailleurs, mais elle préfère s'assurer qu'il n'aggravera rien d'important. Une épaule en vrac est handicapante, elle le sait.

Moscou sonne comme un glas dans le silence relatif de la pièce, lui fait ourler le nez — ça dégoulinerait presque d'une condescendance toute américaine, mais elle sait que son pseudonyme fait peur, suite de lettres trop peu souvent utilisées ensembles, prononciation périlleuse même pour certains slaves. Pourtant... « Et moi qui pensais que Jana était assez simple à retenir. Tu me décevrais presque. » Pique impossible à retenir malgré sa douceur innée, lippes qui s'ourlent dans un sourire presque indulgent. Elle le pardonnera, pour une fois, ne fera pas cas de ce manque de respect flagrant, elle qui déteste pourtant être prise pour une idiote. Elle préfère sauter de son perchoir, étirer muscles et ligaments, assouplir les articulations rendues rigides par la fraîcheur nocturne.

Ljubljana repousse l'excuse d'un revers de main, secoue la tête, comme pour tester la résistance des épingles enfoncées dans ses cheveux blonds. « Ne t'en fais pas pour ça. Attendre un peu ne m'a pas tuée cette fois. » Elle semble un peu perdue face à l'arrogance de l'étoile, encore plus à ce trait d'esprit qui lui arrache un rire et lui passe un peu au-dessus de la tête. « Il te faudra plus que ça pour me mettre dans ton lit. » Elle incline la sienne sur le côté, juste un peu, s'autorise une moue presque déçue. « Pourtant tu t'es bien défendu face à Meryt-Neith. C'était impressionnant à voir. » Baguette tourne entre les doigts, arrachent étincelles d'or et d'argent qui disparaissent en quelques secondes, finit par se pointer sur le numéro un. « Magie uniquement, dans ce cas ? » Elle est prête. Elle n'attend plus que son feu vert.