Go beyond this (Altaïr)

Un mouvement de baguette, un jet de lumière, BOUM ! La souche d’arbre explose. Et le même geste se répète sur celle d’à côté. Et encore. Et encore. Il n’y aucune délicatesse dans le geste, aucune envie de faire les choses bien. Juste un besoin sourd et profond de faire exploser, de voir quelque chose se détruire. Et quand toutes les cibles sont touchées, c’est d’un simple « Reparo » qu’elle les assemble pour les défaire à nouveau.

Pour éviter de penser au reste. Pour ne pas penser que Minsk a été attaquée. Pour ne pas penser qu’on ne sait pas si elle va s’en sortir. Pour ne pas penser à qui lui a fait ça. Varsovie aimerait aller la voir, lui tenir la main, lui dire de s’accrocher parce qu’elle a besoin d’elle. Mais elle n’a pas le droit, l’accès à l’infirmerie lui est interdit. On lui a dit qu’elle pourrait la voir demain. Mais demain c’est trop loin, alors que ça fait déjà presque une journée que Minsk a été attaquée. Une nuit passée à fixer le lit vide, à tourner en rond dans le dortoir, à imaginer ce qui avait bien pu se passer. Et puis une journée absente, pas de cours, pas de travail, pas de lecture. Rien.

Et puis maintenant Varsovie est là, pas très loin de la lisière de la forêt en zone ouest. Depuis combien de temps ? Elle n’en a aucune idée. Elle sait juste que le soleil ne va pas tarder à tomber. Elle ne cherche pas à travailler, et pourtant elle maîtrise ces sortilèges de manière informulée. Elle les a répétés tellement de fois dans la journée qu’il n’y a plus besoin qu’ils franchissent ses lèvres. Mais elle en marre de cette simplicité, c’est devenu automatique et les pensées noires l’assaillent à nouveau. Elle ne veut pas retourner dans son dortoir, elle a encore besoin de faire sauter quelques souches pour que son corps soit suffisamment fatigué et qu’elle tombe de fatigue en arrivant au dortoir.

Elle repense à sa dernière discussion « runes » avec Zaniah. Les runes explosives. Ouais, c’est le bon moment pour essayer. De toute façon, il n’y a personne dans le coin. Alors elle s’approche des souches, marmonne des incantations en même temps qu’elle dessine les runes que son amie lui a apprises. Elle y met trop d’ardeur, c’est un peu trop profond. Mais tant pis, si ça marche, ça explosera d’autant mieux. Et elle recommence sur la souche suivante, et celle d’après. Alors elle s’écarte. Zaniah lui avait dit vingt mètres, mais elle recule encore un peu. On sait jamais. Elle agite sa baguette, et les souches explosent. Fort. Elle voit les éclats voler vers elle, alors elle se glisse derrière un tronc assez large. Le souffle fouette ses cheveux, ç’en est presque agréable.

Mais au loin, elle entend une exclamation. Il y a quelqu’un. Quelqu’un pas loin, qui ne s’attendait sûrement pas à ce qu’une rangée de vieilles souches explosent, même s’il s’agit d’une zone non-explorée. Varsovie reprend contact avec la réalité. Elle n’est pas seule, et elle a peut-être blessé quelqu’un. Alors elle se précipite en direction de l’exclamation et trouve Altaïr au sol. « Oh non, je suis désolée, je pensais que j’étais seule ! » Mais sur le coup, elle oublie de parler anglais. Elle se reprend bien vite, répétant plus ou moins la même phrase avec son accent de l’est. « Ça va ? » Première pensée : il est vivant. Deuxième pensée : oups, qu’est-ce que j’ai fait ?