[ENSEIGNANTS] PR. STRAVINSKY

Regard de glace, sourire mystérieux. Visage impénétrable et vous donnant cette désagréable sensation d’avoir raté quelque chose. Aura étrange, aura impressionnante. On l’évite en dehors des salles de cours, on chuchote derrière ses pas d’une élégance en dissonance avec la réalité. Certains dissent qu’elle a joué les agents doubles pendant des années auprès du tsar et qu’elle a survécu. D’autres que la résistance a simplement acheté au prix fort ses services de tueuse à gages et qu’elle y a pris goût. Ou bien encore qu’elle est plongé dans des rituels que nul ne devrait ne serait-ce que prononcer le nom. Lèvres fendues en un demi-sourire, elle s’amuse des rumeurs, joue avec.

Son délicat visage met parfois en déroute son auditoire. Port altier qu’on assimile à la noblesse, elle ne semble pas à sa place. Aspect trop sophistiqué, trop lisse, trop propre pour coller à la situation. Il suffit pourtant d’un cours avec elle pour oublier rapidement ce manque de jugement. Un manque qu’elle fait payer la plupart du temps, sa première leçon envers tout élève qui se décide à franchir sa porte. Leçons intenses, leçons qui se terminent souvent par un doux "vous êtes morts". Absence de subterfuge, son regard céruléen n'accepte que la vérité binaire du terrain: vous réussissez ou vous mourrez.  

Puis il y a cet éclat qui traverse son clair azur. Un éclat hanté, vieux comme la peur elle-même. Il est rare, à peine un battement de cils avant de se dissoudre. Mais il est là. Reste visible d’un passé que nul ne connaît et sur lequel nul n’ose poser des questions. On murmure que seul Mendeleïv sait ce qu’elle a vécu.

Parfois, quand les nuits sont particulièrement sombres, si on se concentre, on peut l’entendre chanter. Chuchotement suave et mélancolique, voix de sirène quelque peu brisée. L’obscurité délie sa langue, elle laisse échapper quelques notes, souvenirs d’un autrefois plus lumineux. Jamais bien longtemps, jamais au même endroit et toujours avec du liquide dans les veines. Seule admission publique de ce passé qui ne franchit jamais ses lèvres.